26/08/20

Les soins palliatifs, au cœur de la vie

Objets de confusion et de controverse, les soins palliatifs font régulièrement l’actualité. Renvoyant tour à tour à une pratique médicale, à la fin de vie ou à une forme de démédicalisation, l’expression est utilisée pour désigner des réalités différentes et complexes. En particulier au sein des établissements médico-sociaux, les questions soulevées par le grand âge imposent de penser et d’intégrer la démarche palliative dans le projet d’accompagnement des résidants. Quelques pistes de réflexion autour d’une préoccupation quotidienne de notre Fondation, après que les EMS Stella et Les Lauriers ont participé au nouveau dispositif de formation en soins palliatifs organisé par la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux (FEGEMS). 

Mise au point sémantique

Comme toujours, l’étymologie du mot éclaire sur son sens et l’usage qui en est fait. Dérivé du verbe latin palliare « couvrir d’un manteau, cacher, dissimuler », le mot palliatif appartenait aussi au lexique de la médecine ancienne pour désigner un « moyen d’éviter provisoirement un mal sans le supprimer ». A cette première définition s’ajoute celle proposée en 2002 par l’Organisation Mondiale de la Santé, qui explique que « les soins palliatifs cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, et par le traitement de la douleur et des autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui lui sont liés. » Avec ces mots, c’est une nouvelle vision de la médecine qui est engagée : la démarche palliative serait ainsi centrée sur une prise en charge holistique de la personne, accordant une attention singulière à sa qualité de vie, dans tous ses aspects physiques, psychologiques et socio-culturels. Habituellement considérée comme une médecine réservée aux patients en fin de vie, elle inspire en fait au-delà, et pose la question du curseur : à partir de quand un patient peut-il recevoir des soins palliatifs ? Où se trouve la frontière entre le curatif et le palliatif ?  L’usage lui oppose en effet régulièrement la notion de soins curatifs : il y aurait d’un côté les soins qui guérissent, de l’autre les soins qui soulagent. Une dichotomie qui se révèle peu pertinente sur le terrain : l’évolution de l’état de santé est propre à chaque individu et ne peut être anticipée, d’autant plus chez les personnes âgées souffrant de maladies chroniques évolutives. Comme en témoigne Olivier Bugnon, le médecin répondant de la Fondation âge d’or. « En fait, les deux approches cohabitent souvent : un patient en soins palliatifs pourra tout à fait se voir changer une valve cardiaque ou recevoir une prothèse de hanche. On évalue, en équipe et avec la personne et ses proches, chaque situation, pour prendre des décisions. Les soins palliatifs ne supportent pas les généralités : c’est au cas par cas ».

Dans les murs de l’EMS

Les EMS accueillent des personnes très âgées (87,5 ans d’âge moyen), et la mort est donc une réalité à laquelle ils sont confrontés régulièrement. A cet âge, le décès est souvent la conséquence de l’addition de plusieurs affections chroniques (maladies neurodégénératives et cardiovasculaires, diabète, …).  Les EMS, qui accueillent plus de 15% des personnes de 80 ans et au-delà en Suisse, sont donc particulièrement concernés par la question des soins palliatifs. De plus, l’âge d’entrée en institution augmentant au fil des années, le nombre de résidants présentant des polypathologies continue de croître.

« Pour autant, ce n’est pas parce qu’on est en EMS qu’on est en soins palliatifs. Tous les résidants continuent de recevoir des soins. C’est le prisme de la prise en charge qui change : dans certaines situations, de crise ou de dégradation de l’état de santé, en fonction de l’histoire psycho-socio-médicale du patient, c’est le confort qui prime. »

Olivier Bugnon

L’objectif est toujours d’améliorer la qualité de vie du résidant et d’éviter, quand cela est possible, les hospitalisations, sources d’angoisse et de stress. Encore faut-il s’entendre sur le sens de l’expression « qualité de vie ». Peut-on la mesurer ? La quantifier ? La définition de la qualité de vie est d’abord et avant tout celle qu’en fait le résidant. Le respect de l’autonomie du résidant et de ses proches est à ce titre constitutif de l’approche palliative : le respect de la dignité passe par la prise en compte des choix existentiels de la personne.

S’il existe des structures dédiées spécialisées qui peuvent intervenir pour des situations complexes spécifiques, les soins palliatifs en EMS relèvent d’abord de la compétence de médecin traitant, en collaboration avec une équipe interdisciplinaire sur site. Les colloques quotidiens des équipes de soignants sont un moment essentiel pour soulever des situations dont l’évolution interroge et pour lesquelles le traitement de la douleur aigüe et chronique, considérée comme le cinquième signe vital, doit être envisagée. La souffrance ultime liée à l’agonie et à la mort n’est pas toujours évitable : identifier les limites et y faire face fait aussi partie de la démarche palliative.

Construire des ponts

Au sein de l’EMS, la dimension multidisciplinaire prend tout son sens. Les employés de cuisine, de l’animation, de l’intendance, de l’administration, de l’encadrement, tous sont amenés à échanger directement avec les résidants. Et leurs familles. Pour identifier ou accompagner une situation, tous sont potentiellement partenaires d’une démarche de soins palliatifs. Le décloisonnement des services, la collaboration entre les métiers est une condition constitutive de l’exercice de la médecine palliative. C’est aussi le meilleur moyen d’offrir au résidant et à ses proches un accompagnement continu, cohérent pour lui et garant d’une plus grande efficacité. Comment faire le lien entre tous ces acteurs ? Comment assurer à tous un niveau de connaissance technique suffisant ? Comment veiller à l’amélioration continue de processus palliatif ? Autant de missions qui sont confiées à  notre infirmier ressource en soins palliatifs, Chafik Ben Brahim.

Déconstruire le lexique, faire table rase des préjugés, associer rigueur scientifique et approche humaniste, sensibiliser tous les intervenants, pour s’adapter au vécu du patient.