14/01/20

Nuit blanche en blouse bleue

Prodiguer un soin pour soulager une douleur, masser le corps pour soigner l’âme, écouter un souvenir pour apaiser l’angoisse : Nathalie Salimbeni Le Goff est infirmière de nuit au sein de l’EMS Stella ; et veille, depuis bientôt trois ans, aux côtés de ses collègues, sur les nuits des soixante résidants. Nous retrouvons Nathalie alors qu’elle s’apprête à enfiler sa blouse et reprendre du service. Portrait d’une humaine, très professionnelle et d’une professionnelle, très humaine.

« Quand j’étais gamine, je voulais faire sage-femme »

Pourtant c’est à 37 ans qu’elle deviendra infirmière, après une première partie de carrière loin de l’univers médical pendant laquelle elle a eu le temps de multiplier les expériences et de faire naître sa vocation. Tour à tour réceptionniste, employée de bureau et libraire, Nathalie voulait retrouver du sens et cela passait par l’écoute, l’échange, le soin. Ce sera infirmière. Diplôme en poche, elle effectue quelques stages avant une première expérience à l’hôpital de Nice, en neurologie. Mais le passage des études à la profession, qui est toujours un événement, devient un défi dans l’univers médical. Nathalie se souvient de l’appréhension ressentie pour cette première fois : « Quand faut y aller, faut y aller. ». Elle ira donc, mais en gardant un souvenir difficile des « coups de chaud » des urgences de l’hôpital, tiraillée entre le poids de l’urgence médicale et le besoin d’inscrire le soin dans la durée. Quand d’autres recherchent l’adrénaline et l’imprévisible, Nathalie veut du temps et de la proximité. C’est en Suisse, alors qu’elle y rejoint son mari horloger, qu’elle découvre une nouvelle patientèle, les personnes âgées. Et avec elles, une nouvelle approche du soin et de la prise en charge.

« L’oreille bienveillante et le geste rigoureux »

Ce qui l’interpelle d’abord, c’est la liberté qui est laissée aux patients, au travers par exemple des directives anticipées qui permettent de déterminer à l’avance les mesures médicales que l’on approuve et celles que l’on refuse en cas de perte de discernement. Lorsqu’elle intègre l’EMS Les Lauriers le 1er février 2009, ces grands principes prennent une forme concrète. Ici, le résidant est libre, le lieu ouvert, la collaboration entre soignants quotidienne. Une vision que Nathalie partage. Prendre soin des personnes âgées, c’est surveiller leur tension artérielle, mesurer leur taux de sucre dans le sang, panser leurs plaies, suivre la prise de leurs traitements médicamenteux, poser une sonde urinaire, évaluer le degré d’autonomie. Autant de protocoles techniques qu’elle pratique au quotidien soigneusement et dont elle sait qu’ils sont décisifs pour la qualité de vie du résidant. Il y aussi les urgences médicales, notamment les chutes. « Je me souviens d’un résidant qui avait glissé et s’était blessé à la tête. La blessure était heureusement minime, mais les conséquences impressionnantes. Il faut alors réagir vite, apporter les premiers soins et alerter en attendant les secours. La dimension médicale est omni présente, et nous devons être préparés aux urgences et anticiper les risques, en installant par exemple un tapis sonnette pour les résidants pour lesquels le risque de chute est accru». Mais s’ils sont des structures médicalisées, les EMS se présentent avant tout comme des lieux de vie, souligne Nathalie : « Une grande partie de notre travail relève de l’écoute, du lien, de la confiance ».

« Confidences sur l’oreiller »

Et la nuit est à ce titre un moment privilégié. On a le temps de parler et le temps d’écouter. Notre infirmière l’apprendra en 2017 quand elle rejoint l’équipe de soins du nouvel EMS Stella, pour y exercer la nuit, sans savoir si elle parviendra à s’adapter à ce nouveau rythme de vie. Moins soumise aux sollicitations externes, plus disponible pour les résidants, elle y trouvera finalement son compte et son bonheur. Et celui-ci compte double puisqu’il se vit en binôme, avec l’aide-soignant qui l’accompagne. La même blouse bleue, pour deux métiers complémentaires : « les résidants ne font pas la différence ». C’est dire si ce qui prime, c’est la présence et la qualité d’écoute, plutôt que l’habit ou la fonction. Tantôt bienveillant, tantôt rassurant, le duo de soignants s’adapte aux envies du résidant et aux situations. De la détresse parfois plus intense la nuit au besoin de tendresse, en passant par le rire qui est un puissant remède. « Travailler de nuit n’est pas de tout repos, mais les liens qui se tissent, les confidences que l’on nous fait, les fous rires que l’on partage, ça donne une énergie que l’on ne soupçonne pas ! » On la devine bien, nous, son énergie, derrière son large sourire et son discret accent du sud.